samedi 24 septembre 2016

Exercices de style

Raymond Queneau
Editions Gallimard

sorti en 1979
langue française
160 pages



Résumé : Le narrateur rencontre, dans un autobus, un jeune homme au long cou, coiffé d'un chapeau orné d'une tresse au lieu de ruban. Le jeune homme échange quelques mots assez vifs avec un autre voyageur, puis va s'asseoir à une place devenue libre. Un peu plus tard, le narrateur rencontre le même jeune homme en grande conversation avec un ami qui lui conseille de faire remonter le bouton supérieur de son pardessus. Cette brève histoire est racontée quatre-vingt-dix-neuf fois, de quatre-vingt-dix-neuf manières différentes.


Mon avis : Un autobus bondé, un homme au physique et à l'accoutrement ridicule, une dispute puis une réapparition dûe au hasard... en somme, une histoire pour le moins banale. Cependant, Raymond Queneau nous prouve avec ce petit bijou littéraire qu'un scénario ne suffit pas à faire un bon livre. Grâce à ces nombreuses variations, je me suis rendue compte à quel point le style employé dans un texte compte ; il donne du sens, une certaine atmosphère, il va influencer nos impressions...
Co-fondateur de l'Oulipo, association qui réfléchit à la notion de "contrainte" et encourage ainsi la créativité, on retrouve dans cet essai de Raymond Queneau cet aspect, qui le rend assez étrange par moment. Certaines figures de styles sont exagérées, absurdes, d'autres rendent le texte illisible, le tout est un petit ouvrage curieux, marrant, que j'ai beaucoup apprécié et dont je ne me suis pas lassée ne serait-ce qu'une seconde (et pourtant, c'est bien la chose à craindre avec un essai de ce genre !) : de nombreuses figures de styles jouant sur les mots, déchiffrer ces textes m'a beaucoup amusée !

En bref, un énorme travail littéraire, des découvertes à chaque page, un livre audacieux et qui permet au lecteur de se rendre compte de toute la richesse de la langue française.

dimanche 18 septembre 2016

Les pêchers

Claire Castillon
Editions de l'Olivier
EAN : 9782823607901

sorti le 3 septembre 2015
langue française
208 pages


Résumé : Tamara est prisonnière. De son mari, Claude, qui veut faire d'elle une épouse modèle. D'Esther, la fille de Claude qui la surveille. Et de son amour perdu, à qui elle ne peut s'empêcher de rêver. La liberté lui fait peur, la captivité lui pèse. Elle ne peut ni rester ni partir.

Aimée, la mère d'Esther, semble parfaitement adaptée au monde tel qu'il va. Mais cette material girl cache une vraie fragilité. Et puis, il y a Esther... Adolescente, poète, espionne, innocente. Amoureuse. Son regard radiographie les adultes, ces gens étranges, incapables de voir la violence en eux.

Si c'était elle, la véritable héroïne de cette histoire ?

Elle ferait, alors, sans le moindre doute, une excellente victime expiatoire.


Mon avis : Ce roman se découpe en trois parties, dans lesquels trois femmes, liées, nous livrent leurs pensées intimes. On suit dans les deux premières parties Tamara puis Aimée, qui se débattent, à la recherche de leur liberté, à la recherche de l'amour. Ces femmes étant liées, j'ai beaucoup apprécié de connaître la suite de leur histoire, racontée par une narratrice différente, avec un regard différent sur cette situation.
La plume de Claire Castillon est acide, crue, déstabilisante. Elle nous plonge au cœur de ce tourbillon d'émotions, au milieu de la folie, de la rage, de la solitude... Cependant, si je me suis vite habituée à la plume de l'auteur, son style "parlé" m'a beaucoup dérangé au début. Elle dépeint un sexe faible, perdu mais luttant toujours. La guerre des sexes n'est pas un sujet qui m'intéresse énormément, mais la façon dont ce thème est traité dans Les pêchers m'a conquise grâce à ce regard totalement subjectif, à ce trop plein de sensibilité. 
La dernière partie concerne Esther, petite fille que l'on découvre par les regards de celles qui l'ont élevée. Mais lorsqu'elle raconte elle-même ses pensées, j'ai eu l'impression d'avoir un autre personnage sous les yeux. Abandonnée, à la recherche d'attention, elle devient le réceptacle des angoisses des adultes, de leur violence. Cette partie m'a beaucoup émue, mais aussi énormément dérangée justement à cause de toute la violence que cette enfant subit, tout en restant muette.

En bref, un texte bouleversant, acerbe, qui ne laisse pas indifférent.




"J'ai envie de rigoler, je me retiens, je sens la lumière au bout du couloir, c'est l'appel de la liberté, la porte qui s'ouvre sur un vent froid."
Les pêchers