dimanche 19 mars 2017

Damoclès

Fatou Ndong
Anyway Editions
EAN : 2374880486

sorti le 30 août 2016
336 pages
langue française


Merci à Fatou Ndong et à Livraddict pour cette découverte !

Jackson, 1963
A la demande de Madame Harper, la maîtresse de sa mère, Madelyn Johnson doit donner, dans le plus grand des secrets, des cours de soutien au fils de cette grande famille blanche. Bien qu'elle ait passé son enfance avec Sean et Sebastian Harper, leur différence de couleur leur a fait prendre des chemins différents, leurs mondes ne doivent pas se croiser. Dans cette ville ségrégationniste, cette demande est un véritable risque pour la jeune fille, car la mort est l'unique sentence pour les noirs coupable de n'importe quel préjudice. D'autant plus que Monsieur Harper se présente aux élections pour devenir maire de Jackson, si la relation entre Madelyn et les jumeaux Harper venait à être connue, il en serait fini de cette grande famille, et la coupable serait toute trouvée...

Mon avis : Avant de parler du contenu du livre en lui-même, je voudrai parler de sa naissance. A la fin du roman, on trouve un article du Figaro datant de 2011 ; à Jackson, un groupe d'adolescents blancs a tué, sans autre raison que la haine, un garagiste noir âgé de 49 ans. Il n'a pas même eu le temps de se défendre. Le racisme est encore très présent aux Etats-Unis, de ce fait, Damoclès est un livre actuel, engagé, qui mérite d'être connu.

Je pense que cet article représente la base de travail de Fatou Ndong : ses personnages sont en majorité des adolescents, entre 17 et 20 ans. Ils gravitent tous autour de la famille Harper, et ont des idées différentes, parfois opposées, sur le traitement infligé aux noirs. Sebastian, qui est resté en contact avec Madelyn toutes ces années, est quelqu'un qui voit au-delà de la couleur de peau alors que son frère jumeau Sean "suit le troupeau". La psychologie de ce dernier personnage est plus complexe que je ne pourrais le décrire, il change progressivement, mais son opinion au début du livre sur les noirs ne fait aucun doute : ils lui sont inférieurs, ne vivent que par (et pour) son plaisir. C'est une idée partagée par beaucoup de familles de Jackson. Quant à Madelyn, c'est une fille forte, qui refuse d'être rabaissée et rêve d'égalité, elle vit dans le ghetto noir avec sa mère et sa sœur, son père ayant du partir menacé par le Ku Klux Klan pour ses rêves de justice. On suit son quotidien, et c'est une vie dure à supporter...
La structure du livre joue énormément sur le ressenti du lecteur. Il est découpé en points de vue de personnages, on peut donc revoir les mêmes séquences vécues par des caractères différents. Ça permet de mieux comprendre le contexte et les enjeux, il n'y a pas de gentils ou de méchants, seulement des personnes manipulées par la société, leurs intérêts ou bien dépassées par les événements. Je ne raconterai pas la fin de l'histoire, mais je trouve que c'est quelque chose qui appuie ce fait. Le changement de points de vue permet aussi d'installer du suspense, de retenir l'attention du lecteur. J'ai également beaucoup aimé que les articles de la loi Jim Crow annoncent le sujet des chapitres suivants.
Si l'intrigue, et le livre en général, m'ont beaucoup plu, j'ai tout de même quelques points qui m'ont dérangés. Je tiens à préciser que ce n'est que mon ressenti (je suis un peu chiante sur les bords !) et que ça ne gêne en rien la lecture du roman ! Donc voilà, j'ai trouvé l'écriture un peu maladroite par moment, en particulier au niveau des dialogues ; certains n'apportaient aucune nouvelle information et je trouve ça dommage. De même, j'ai été déçue par les illustrations d'intérieur ; j'ai choisi ce livre aussi pour sa couverture qui me semblait bien refléter le sujet, son côté sérieux. J'ai trouvé que le graphisme des illustrations sortait complètement de cette idée, il rappelle vraiment les livres pour adolescents, donne un côté "léger" qui ne va pas avec le sujet. Les derniers points concernent l'intrigue : j'aurais aimé en savoir un peu plus sur le père de Madelyn, et j'aurais aussi aimé que le dénouement concernant James Carter soit amené un peu plus tôt, qu'on ait des indices tout au long du livre. C'est une révélation cohérente quand on connaît les personnages, mais qui me semblait un peu sortir de nulle part sur le coup.

Un excellent roman sur le racisme, touchant, brutal et d'actualité.




"Ils disaient qu'ils ne répondraient pas à cette violence par la violence, mais qu'ils continueraient de manifester et tout cela dans le calme. C'était pathétique !"
Damoclès

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