vendredi 26 mai 2017

Vies minuscules

Pierre Michon
Folio
EAN : 9782070401185

sorti le 26 novembre 1996
248 pages


Huit vies. Huit noms, à peine écrits en titre des chapitres, déjà tombés en désuétude. Pierre Michon pénètre les vies de ses ancêtres, anodines, infimes, parcellaires : minuscules. Malgré ou à cause de l'insuffisance des existences, l'écrivain défriche, le temps de l'écriture, ces vains terrains vagues qu'envahissent à nouveau les mauvaises herbes de l'insipide dès la plume reposée.

Mon avis : A l'aide de ses souvenirs, Pierre Michon nous raconte l'Ecriture. Chaque personne qu'il nous présente ici nous rapproche de lui, de celui qu'il a été, de celui qu'il a pensé être. On le suit enfant traînant dans les jupes de sa mère à écrivain depuis toujours oublié par l'Inspiration. Dans Vies minuscules, finalement on découvre un auteur en même temps que les protagonistes de ses récits, dur avec ses proches et pourtant émouvant, homme entouré mais seul, obsédé par la mort et ses anges.
Les images font le charme de ce livre, mais l'écriture précieuse, dense, de Pierre Michon peut aussi bien être un frein à la lecture. On ne peut pas dire que son style n'est pas recherché ; la métaphysique cède la place à l'argot provençal, les mots chantent et montrent des époques révolues, mais les pages d'une phrase (et j'exagère à peine !) peuvent rendre certains moments très longs... L'autre risque en lisant ce livre est de se perdre dans l'écriture si particulière de Pierre Michon, pour la beauté de ses mots, et d'en oublier le sens. 

Un livre touchant, sur l'écriture, la vie et ses rescapés.




"Le sel des heures se dilue, et dans l'agonie du passé qui commence, l'avenir se lève et aussitôt se met à courir."
Vies minuscules

dimanche 21 mai 2017

Spada

Bogdan Teodorescu
Agullo éditions
EAN : 9791095718086

sorti le 12 mai 2016
320 pages


Un petit truand est retrouvé égorgé dans les rues de Bucarest. Quand un deuxième voyou, puis un troisième sont assassinés, il devient clair qu'un meurtrier en série sévit dans la capitale roumaine. Ses victimes ont toutes le même profil : elles sont roms et possèdent un casier judiciaire...

Mon avis : Ce livre commence comme un roman policier. La Mouche, un joueur, Tzigane, de bonneteau est égorgé dans les rues de Bucarest. Puis c'est le tour d'un proxénète, Tzigane lui aussi, et d'un trafiquant... La presse s'empare de ces affaires, "Des délinquant roms tués par un mystérieux tueur en série ; Poignard". Mais finalement, l'enquête passe au deuxième plan, on la suit à travers les stratégies politiques et médiatiques pour se focaliser sur un sujet d'actualité : les conflits interethniques.
J'ai beaucoup aimé le choix des points de vue dans ce livre qui, pour moi, lui donnent toute son originalité. L'Etat roumain fait des choix, pas souvent les bons, ils sont dans une situation incontrôlable, qui se révélera toujours mauvaise pour eux quelles que soient leurs décisions. A l'aube de nouvelles élections présidentielles, les politiciens au pouvoir se retrouvent avec des conflits intérieurs et extérieurs, incapables de calmer les choses et tentant de ne pas perdre trop de votes alors que la situation est chaotique. D'un autre côté, la presse crie au complot, envenime la situation qui est déjà loin d'en avoir besoin, attisant la rage de la population roumaine contre les minorités roms. Et le lecteur se retrouve emporté de ce tourbillon de folie et de manipulation, où un fait divers est devenu un enjeu politique majeur, où une bataille politique se règle à coups de communication, et où la guerre civile n'est pas bien loin...

D'une écriture mordante avec un humour corrosif, Bogdan Teodorescu nous présente une Roumanie à travers ses échanges politiques, médiatiques et policiers.

"Je sais que vous ne nous aimez pas. Pour vous, nous sommes des Tziganes, un point c'est tout. Je vois ça dans vos regards, tous les jours. Peu importe que j'aie fait des études, que je sois docteur ès sciences, que je sois marié et que j'aie trois enfants, que j'aie fait mon service militaire, que je paie mes impôts à l'Etat. Je reste un Tzigane. Et pour vous, c'est une tare."
Spada

samedi 13 mai 2017

L'étrangleur d'Edimbourg

Ian Rankin
Le Livre de poche
EAN : 9782253090557

sorti le 1 juin 2007
285 pages


Des fillettes d'une dizaine d'années se font enlever et étrangler dans la ville d'Edimbourg. L'inspecteur adjoint Rebus est mis sur l'affaire, mais les victimes n'ayant que très peu de points communs, celle-ci n'avance pas et la population d'Edimbourg panique. L'inspecteur reçoit en parallèle des lettres anonymes, assez énigmatiques, contenant des nœuds et des croix. Et si la clé de ces affaires se trouvait en fait enfouie dans les méandres de son passé ?

Mon avis : Ce livre est le premier tome de la série des Rebus. On découvre l'inspecteur (adjoint dans ce tome), son passé énigmatique étant un des points forts de ce livre. Cynique, associable, l'homme est tourmenté par le passé qu'il a refoulé et qui ressurgit aux moments les plus inopportuns. C'est un personnage complexe, à la limite du criminel, dans une ville dont l'auteur nous présente les côtés les plus noirs. Loin de l'Edimbourg idéalisé des touristes, Ian Rankin nous entraîne dans les bas-fonds à travers une écriture très détaillée et satirique, ce qui fait le charme de ce livre. Les idées noires du personnages principal et cet autre visage de la ville donnent une atmosphère très sombre au livre, qui n'est pourtant pas dénué d'humour.
Au-delà de cette atmosphère, j'ai beaucoup aimé l'écriture de ce livre, simple et dynamique avec quelques mots d'argot qui donnent de la puissance au texte. Les mots choisis par Ian Rankin ne le sont jamais au hasard, les indices sont partout, dans les références littéraires, les jeux de mots, qui finalement nous prennent au jeu de l'enquêteur et nous en apprennent plus sur ce passé oublié. 
Je dois juste préciser une chose ; bien que catégorisé en tant que "roman policier", je déconseille fortement de lire ce livre pour son intrigue policière. Elle n'est qu'une excuse pour en savoir plus sur John Rebus, longue à démarrer, elle est en plus plutôt prévisible. Le véritable intérêt de L'étrangleur d'Edimbourg est la dualité qui en ressort, celle de Rebus et de sa ville.

Un roman satirique sur la nature humaine, le côté sombre qu'on a en chacun de nous.




"Edimbourg était schizophrène, la ville de Jekyll et Hyde, bien entendu, mais aussi celle de Deacon Brodie, des manteaux de fourrures sans petite culotte, comme on disait à Glasgow."
L'étrangleur d'Edimbour

lundi 8 mai 2017

Arca

Romain Benassaya
Editions Critic
EAN : 9780201379624

sorti le 16 juin 2016
450 pages



En 2157, l'Arca, un vaisseau spatial fonctionnant à l'aide d'une technologie incomprise de ses propres concepteurs, s'apprête à franchir le seuil de Jupiter pour rejoindre la Griffe du Lion. Pour Sorany Desvoeux, la scientifique qui a découvert l'étrange combustible du vaisseau et Frank Fervent, investigateur de bord, commence un voyage mouvementé riche en péripéties.

Mon avis : Ce roman est un space-opera, et un premier roman ce qui est assez impressionnant. Nous suivons quelques personnes appartenant à l'équipage du vaisseau Arca, les deux principaux étant Sorany Desvoeux, la scientifique ayant découvert la mystérieuse matière d'Encelade qui permet au vaisseau de fonctionner, et Frank Fervent, un proche du commandant de bord chargé de la protection de la jeune femme, car Sorany a un rôle important dans cette mission qu'elle seule peut endosser.
On suit chapitre par chapitre la vie de Sorany et de Frank, le présent laissant la place au passé afin d'expliquer la découverte de cet énigmatique combustible et du contexte géopolitique avec les colonies terriennes dans la galaxie. Cette construction permet d'entretenir le suspense et finalement, lorsqu'on est pris dans l'intrigue, on ne peut plus décocher de ce livre. 
Le style de Romain Benassaya est très descriptif, ce qui peut être un peu lassant par moment, mais son monde est cohérent et plutôt simple à assimiler. Grâce à son intrigue, il aborde, de manière subtile, énormément de sujets, comme des avertissements sur des faits d'actualité, en particulier le risque des mouvements sectaires, le ravage de l'ultra-capitalisme et la nécessité d'être unis pour changer le système. J'ai trouvé son univers et son intrigue très travaillés, et finalement je vois son livre comme un appel à la compréhension des autres, de nos différences, même si on ne les accepte pas : Ireen Tseï est plus complexe qu'il n'y paraît, en fait les aliens ont profité de sa jalousie pour la contrôler mais même eux faisaient cela par nécessité, pour survivre.

Un roman captivant, une superbe découverte.




"C'est là une règle qui a de tout temps été valable : il n'y a pas d'autre alternative à un saut en avant dans le développement de l'humanité que le déclin."
Arca

lundi 1 mai 2017

Bilan d'avril

Ce mois-ci, j'ai plutôt un bon bilan. Hormis deux des livres reçus en services de presse qui m'ont assez déçus, toutes mes lectures ont été de belles découvertes !
Et je me suis faite plaisir pour les "petits nouveaux" ; trois d'entre eux traînaient dans ma wishlist depuis un moment, il était temps qu'ils arrivent dans ma bibliothèque ! Et le reste sont des coups de cœur en en entendant parler...

En cours
Arca de Romain Bennasaya

Livres lus
Une étude en soie de Emma Jane Holloway
Tu ne perds rien pour attendre de Janis Ostiemi
Le vent les a ôtés de Marc Séguier
Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, illustré par Benjamin Lacombe
La bibliothèque des existences de Thomas Gerbaud
L'étrangleur d’Édimbourg de Ian Rankin
Le fond de l'enfer de Ian Rankin
Pour 500 rials d'or ; La fortune de Ch'ha de Sonia Koskas

Bilan des challenges
2182 pages lues
8 livres
dont 3 de la PAL 2016

Les petits nouveaux
Les envoûtés de Witold Gombrowicz
Spada de Bodgan Teodorescu
Walden d'Henry David Thoreau
Watershipdown de Richard Adams
La horde du contrevent d'Alain Damasio
Station eleven d'Emily St John-Mandell
Trainspotting d'Irvine Welsh
Refuge 3/9 d'Anna Starobinets