jeudi 24 août 2017

La colère de Kurathi Amman

Meena Kandasamy
Plon
EAN : 9782259249720

sort le 28 août 2017
272 pages



Merci aux éditions Plon et à Netgalley !

Se plaçant sous le patronage de l'irascible déesse Kurathi Amman, l'auteur revient sur une tuerie ayant fait quarante-quatre victimes, quarante ans auparavant, en Inde. Elle exhume ce massacre désormais oublié à travers des voix variées, des intouchables aux propriétaires terriens. Entre rage, lyrisme et humour grinçant, un aperçu des rouages ayant contribué à la naissance de l'Inde moderne.

Mon avis : Lire La colère de Kurathi Amman est un expérience saisissante. Meena Kandasamy joue avec les codes du roman, avec le lecteur, avec le temps. Son récit est tout sauf linéaire, un puzzle dont les pièces s'ajoutent progressivement dans nos esprits d'abord confus pour finalement présenter un tableau révoltant. Changeant, il passe de la critique teintée de cynisme à la narration du conte, du dialogue au lecteur à un monologue sous le joug du dictateur, de l'année 1968 à l'arrivée des blancs sur les terres indiennes. Son ton parfois agressif, empli d'une ironie acide, ne laisse pas indifférent, mais n'est-ce pas ce qu'il faut pour bien réfléchir au sujet qu'elle a décidé de nous faire découvrir ?
Le massacre de Kilvenmani, histoire politique où quarante-quatre personnes ("dont deux muettes") ont perdues la vie brûlées vives dans les maisons du cheri, est oublié moins de cinquante ans plus tard, inconnu même sur le Wikipédia français ! Si les romans sur les intouchables ne manquent pas, le talent de l'auteur, tout dans son écriture, fait de ce livre un incomparable. Plongés dans l'Histoire de l'Inde, nous en apprenons d'abord les hiérarchies, les coutumes dans le sens le plus vaste du mot, jusqu'à l'histoire littéraire indienne. Car rien n'arrive par hasard. La faute de ces Dalits ? Incités par le parti communiste, avoir réclamé une augmentation de leur "rémunération", un peu plus de riz pour pouvoir survivre. Être restés fidèles à leurs idées, penser qu'ils avaient eux aussi des droits. Récit à plusieurs voix, fiction ancrée dans la réalité, témoignages débordant de sincérité, nous en ressortons le cœur serré et la tête prête à exploser sous le poids des réflexions. Rien ne nous est épargné, autant sur le vif du sujet, la violence des propriétaires terriens et leur domination sur les autres habitants quels qu’ils soient, que la réflexion sur le monde littéraire qui remonte en surface au fil des passages (au passage, respect pour la partie sur la traduction !).

Un roman expérimental où le lecteur tient la première place, un gros coup de cœur !



"Les morts ne parlent pas et ils ne crient pas dans les réunions publiques"
La colère de Kurathi Amman

2 commentaires:

  1. Je l'ai vu passer sur Netgalley sans faire attention, puis là le résumé m'interpelle... et ton avis aussi.

    Ça me fait penser, hier aux infos sur TF1, ils parlaient des grèves des ouvriers qui réclament un salaire minimum en Indes dans les plantations de thé. Le titre du reportage "Oh non va plus avoir de thé Darjeeling D:" Les priorités dans l'information...

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    1. Je l'avais demandé à la base parce que je croyais que ça parlait de la mythologie indienne, en fait pas vraiment. La 4ème de couverture ne nous apprend rien sur le contenu, du coup ça a été une double surprise pour moi. Mais ça faisait longtemps qu'un livre ne m'avait pas accrochée comme ça !

      En effet, les priorités dans l'information...

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