lundi 23 janvier 2017

On se passerait bien du temps

Franz Griers
auto-édition (Iggybook)
EAN : 9782363155146

sorti en janvier 2016
129 pages
langue française


Merci à Franz Griers et à Livraddict pour ce livre.

Résumé : Ce livre entre tes mains délicates est un recueil de trente-sept nouvelles courtes qui parlent de ce qui nous détruit et de ce qui nous exalte, avec de l'érotisme, de l'humour noir et de la mélancolie. Tout ce que tu aimes. Si j'étais toi, je le lirais.

Mon avis : J'ai toujours aimé les nouvelles, ce livre m'a donc beaucoup attiré. Dans son résumé, Franz Griers parle directement au lecteur, l'écriture est dynamique, il m'a vraiment donné envie de le lire. D'autant plus qu'avec son titre, je m'attendais à un peu de poésie...
Ce livre regroupe donc trente-sept nouvelles, d'une à quatre pages maximum. Il se lit vraiment très vite. Ces petites histoires se passent dans un univers réaliste, avec des lieux plutôt communs comme un immeuble, un aéroport ou bien un café. Ce sont des anecdotes qui tournent autour de la vie quotidienne, des sentiments ou de scènes que je décrirais comme des fantasmes : ces dernières sont peu probables même si elles ne sont pas décrites comme imaginaires. Je les ait trouvées incohérentes et elles m'ont fait décrocher du livre, même si je n'était pas déjà beaucoup entrée dans cet univers plutôt particulier.
Bon, pour le coup, la poésie était complètement absente. Par contre, le résumé a tenu ses promesses ; humour noir, érotisme, mélancolie, dynamisme, tout se mélangeait dans l'écriture. Elle est plutôt crue et Franz Griers apostrophe énormément le lecteur, de manière assez agressive d'ailleurs. Cela donne du rythme mais m'a personnellement mise très mal à l'aise ; il crée un lien avec le lecteur, le rendant complice de ses récits, je me sentais "voyeuse" sans en avoir envie. Pour le reste, son écriture change au fil du livre, les premières nouvelles sont écrites avec des mots compliqués et des tournures plus familières ce qui donne un résultat assez étrange. En général, c'est un style plutôt simple, qui semble à la portée de n'importe qui.
Les nouvelles ont chacune des sujets différents, mais le style reste le même de l'une à l'autre, deux d'entre elles avaient même une fin similaire. J'aurai aimé avoir un peu plus de changement, lire un récit puis de l'épistolaire par exemple. De même, si je dois convenir que l'érotisme comme l'humour noir étaient bien présents, j'aurai préféré qu'on ne les trouve pas dans chaque récits, ce qui aurait évité un peu de lourdeur et rendu le livre beaucoup plus intéressant à mon sens.

Un livre plutôt inégal, avec de bonnes idées mais pas assez travaillé à mon goût. Il se lit vite mais est loin de marquer les esprits.




"Les vrais amis se comptent sur les doigts d'une main dans la gueule."
On se passerait bien du temps

lundi 16 janvier 2017

La jeune fille à la perle

Tracy Chevalier
Folio
EAN : 9782071417940

sorti en 2004
309 page
langue française

Résumé : La jeune et ravissante Griet est engagée comme servante dans la maison du peintre Vermeer. Nous sommes à Delft, au dix-septième siècle, l'âge d'or de la peinture hollandaise. Griet s'occupe du ménage et des six enfants de Vermeer en s'efforçant d'amadouer l'épouse, la belle-mère et la gouvernante, chacune très jalouse de ses prérogatives.
Au fil du temps, la douceur, la sensibilité et la vivacité de la jeune fille émeuvent le maître qui l'introduit dans son univers. A mesure que s'affirme leur intimité, le scandale se propage dans la ville...

Mon avis : Par son roman La jeune fille à la perle, Tracy Chevalier tente de raconter l'histoire de la création du tableau de Vermeer. Elle nous offre grâce à ce livre des indications sur la vie quotidienne dans la Hollande du XVIIè siècle. Le lecteur découvre les conditions de vie et de travail de cette époque en fond, ce livre étant surtout axé sur la relation entre Griet et le peintre Vermeer. Grâce à cette intrigue, cohérente même si peu originale, elle nous fait rentrer dans la vie du fameux peintre, nous faisant voir son univers artistique et sa façon de travailler.
Cependant, son écriture, classique avec un vocabulaire un peu "vieux" manque de rythme. Et j'ai trouvé les personnages très prévisibles, dans leurs actions comme dans leur personnalité, ils manquent de profondeur, ce qui m'a empêché de vraiment les apprécier. La combinaison de ces deux éléments fait qu'on a du mal à vraiment rentrer dans l'histoire, malgré la narration à la première personne qui aurait justement dû nous plonger dans le récit. On suit cette histoire de loin, sans nous y intéresser réellement.

Un livre intéressant pour son panorama historique, plein de non-dits, mais loin d'être captivant.




"Ses yeux s'immobilisèrent dans les miens et tout ce qui me vint à l'esprit ce fut que leur gris me rappelait l'intérieur d'une coquille d'huître."
La jeune fille à la perle

vendredi 6 janvier 2017

Data Transport

Mathieu Brosseau
Editions de l'Ogre
EAN : 9791093606101

sorti le 6 mai 2015
langue française
145 pages

RésuméLe jour où un homme est repêché en pleine mer par un cargo, le Data Transport, ni lui ni personne ne connaît son identité, ni ce qui l'a mené ici. Amnésique et muet, son emploi dans un service de courriers non adressés lui permet de progressivement recouvrer la mémoire et le langage. Cette découverte de lui-même, de son histoire, celle d'un être confronté à la difficulté d'incarner à la fois son corps et son verbe, et condamné dès sa naissance à une mystérieuse seconde de retard, va le mener jusqu'à la source de ses crimes – réels ou illusoires – et de sa propre disparition.

Mon avis : Ce récit joue avec le temps, le mouvement, le langage. Sans début ni fin, le lecteur voyage entre passé et présent à travers des fragments incertains, se perd dans le temps jusqu'à la confusion, qui touche le texte dans sa totalité. L'indétermination est la clé de voûte de Data Transport ; on ne saura jamais si M. est fou ou non, si ses crimes sont réels ou non, si cette seconde d'arrêt lors de sa naissance lui donne vraiment un temps de retard ou non... Peut-être est-ce tout à la fois ? Ou n'est-ce aucun des deux ? On reste dans l'incertitude, c'est ce qui fait le charme de ce livre : on est en terrain inconnu. Il bouscule nos habitudes, se crée sa propre logique, irrationnelle mais toujours cohérente, et par là surprenante. Il n'y a ni point de départ ni point d'arrivée, l'intérêt est dans le voyage, dans cet « espace » entre deux opposés. De la même manière, le langage devient incertain, confus. Brosseau joue avec les mots, avec les styles, avec les troubles. D'une écriture résolument contemporaine, il lie poésie et narration, donne une aura étrange à ses phrases, ce qui nous plonge d'autant plus dans son univers troublant.

Ce livre est un ovni littéraire, il n'est pas facile mais relève de l'expérience, autant pour le lecteur que pour son auteur.



"Las, il décide de penser à autre chose, il y arrive fort bien en général car des morceaux de vide sans origine apparente reviennent naturellement en lui, doucement, ces morceaux viennent lui offrir de nouvelles naissances, de nouvelles consciences venues de rien."
Data Transport

mercredi 4 janvier 2017

Matinées au café Rostand

Ismaïl Kadaré
Fayard
EAN : 9782213685168

sorti le 18 janvier 2017
langue française


Merci aux éditions Fayard et à Netgalley pour cette découverte !

Résumé : Dans ce recueil de textes inédits, Ismail Kadaré, qui partage son temps entre l'Albanie et la France, commence par décrire sa première arrivée à Paris, au début des années 1970, alors qu'il est encore recouvert des miasmes du régime qui l'a laissé sortir quelques jours.
La Ville lumière lui apparaît alors comme dans un songe. Cette "liaison", selon ses propres mots, va durer quatre décennies et perdure. Ce furent d'abord vingt années pendant lesquelles il vécut sous la chape communiste, puis vingt autres qu'il qualifie d'intemporelles. Années où l'écrivain, tous les matins, et encore aujourd'hui, a posé ses notes et son stylo sur une table du café Rostand, face au jardin du Luxembourg, puisant dans ce rituel le moyen d'évoquer tour à tour Tirana, Moscou, l'Académie française, Macbeth, le prix Nobel, mais aussi ses compagnons de jeunesse dans une Albanie muselée et les figures littéraires qui surgissent au gré de ses promenades dans Paris.
Refuge de l'écrivain et, pour lui, lieu d'inspiration, le café, véritable fil conducteur de ces courts-récits, lui permet de livrer ici le ferment d'une vie d'écriture.

Mon avis : Je ne connaissais pas Ismaïl Kadaré avant de lire Matinées au café Rostand, j'ai maintenant l'impression de le connaître comme on connaîtrait un de ses proches. Les sujets dont il parle sont nombreux, souvent rattachés à son pays natal, l'Albanie, et on ressent à travers son écriture toute l'importance qu'ils ont pour lui. La plupart de ces thèmes touchent la politique, il nous décrit, entre autre, avec des phrases simples, courtes et pleines d'humour, la vie en Albanie sous un régime sévère. La chronologie dans ce livre n'est pas linéaire et deux styles de textes différents s'en dégagent. On trouve des passages autobiographiques dans lesquels on le suit à Paris, à Moscou, à Tirana, et où on rencontre ses amis. Ce sont des passages touchants, mais aussi instructifs : on comprend ses difficultés par rapport à la censure albanaise, au Parti, ainsi que les tensions qui se sont naturellement installées entre le gouvernement albanais et lui à cause de ses voyages à Paris. D'autre part, on a des passages plus explicatifs, surtout historiques, sur la place de la femme en Albanie par exemple ou la guerre entre la Grèce et les pays d'Italie et d'Albanie. Kadaré analyse aussi des poèmes albanais ; l'art, dans toutes ses formes, a une grande place dans ces textes et est étroitement lié à la politique.
J'ai trouvé ce livre très intéressant, je ne connaissais pas bien l'Albanie et le lire m'a permis de faire un grand nombre de découvertes. Le style de Kadaré est agréable, simple avec beaucoup d'humour et de références, et sa vie est intéressante, on a toujours envie d'en savoir plus, cependant j'ai décroché pendant certains passages explicatifs, n'étant pas captivée par le sujet. Néanmoins, j'ai beaucoup apprécié ma lecture et je pense que je lirai d'autres œuvres de cet auteur.

Un recueil passionnant et engagé, avec cependant des passages plus faciles à lire que d'autres.




"Longtemps ce roman-là était resté ignoré de tous. C'était une oeuvre sans lecteur, et il en fut ainsi un bon bout de temps, jusqu'au jour où, après mon retour en Albanie, je le confiai à mon meilleur ami, d. Siliqi"
Matinées au café Rostand