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dimanche 5 mars 2017

Le destin du touriste

Rui Zink
Métailié
EAN : 9782864247333

sorti le 17 mars 2011
192 pages
langue française



Le tourisme en zone de guerre : un nouveau genre de tourisme, de plus en plus rentable, né de l'attrait humain pour le danger. Vivre au milieu des explosions. Assister à des bombardements. Pendant quelques jours, avoir pour quotidien les mines, les enlèvements. 
Greg fait l'expérience de cette nouvelle activité, avec une idée tenace derrière la tête, car lui, touriste, ne vient pas pour se délecter du malheur des autres - bien que son but n'en soit pas moins égoïste - le mystère l'enveloppe. Qui est-il ? Pourquoi est-il là ? Que cherche-t'il ?
Mais peut-être n'est-ce pas les bonnes questions à se poser...

Mon avis : Dans ce roman, ni le lieu ni le temps ne sont précisés, on se retrouve avec un texte qui ressemble plus à un conte, qui peut se passer n'importe où et n'importe quand. Il en est de même pour les personnages. On suit le point de vue de Greg dans ce lieu sordide, ses pensées plus ou moins absurdes (littéralement), mais on ne sait rien de lui, ni son vrai nom, ni son passé, rien qui nous explique son comportement. Et finalement, l'accumulation de ces petits mystères fait qu'on ne peut pas décrocher du livre.
Je pense que l'écriture de Rui Zink y est aussi pour beaucoup : face à un décor de guerre, de villes en ruine, de tôles brûlées, on trouve un style frais, parfois familier, qui décrit tout cela avec un regard moqueur. Dès les premières lignes, on est pris par le ton satirique utilisé, par son humour acerbe qui crée un contraste entre ce qui nous est raconté et la façon dont c'est dit. Cela, et les nombreuses répétitions, installe un rythme et donne un aspect assez ludique au texte.
Cependant, plus on avance dans le récit, plus on se rend compte que ce texte n'est pas seulement ludique. Il s'agit d'une critique de notre société de consommation à peine voilée, et offre aussi plusieurs réflexions, en particulier sur ce que l'homme attend de la réalité par rapport à ce qu'elle est réellement, ce qui donne autant d'indices pour deviner la fin... Fin très surprenante, à laquelle je ne m'attendais absolument pas ! Une fin en apothéose, très bien amenée, cohérente, et pourtant indevinable pour mon pauvre petit esprit de lectrice (et pourtant, j'avais vraiment repéré les indices !).

Un roman à dévorer, à la limite de la fiction politique, qui nous pousse à réfléchir sur le tourisme.




"Ce ne serait ni la première ni la dernière fois que le filtre de la fiction prenait le pas sur la réalité. L'une était toujours rapide et dynamique (ah, l'art du montage), l'autre avait tendance à être lente, ennuyeuse, décousue. Vraiment rasoir."
Le destin du touriste

dimanche 26 février 2017

Après le silence

Didier Castino
Editions Liana Lévi
EAN : 9782867467844

sorti le 20 août 2015
221 pages
langue française


Dans un monologue impossible, Louis Catella dévoile sa vie au plus jeune de ses fils. L'enfance, l'usine, le parti, la famille, ses rêves, les petits bonheurs. Sa vie d'ouvrier. Mais face à l'absence de ce père, mort accidentellement lorsqu'il avait sept ans, le fils doit apprendre à le découvrir, entre l'image idéalisée qui le suit depuis cette date tragique de juillet 1974 et les non-dits, pour pouvoir se forger sa propre identité.

Mon avis : Ce roman de Didier Castino nous plonge dans la France ouvrière des années 60. On découvre la vie si différente de l'époque, l'usine, la lutte pour de meilleures conditions de travail à travers les mots d'un père de famille syndicaliste. Grâce à un discours simple, adressé à son fils, on est entraîné au sein de cette famille unie, qui chérit les petits moments heureux dont elle peut profiter. On a une impression de sincérité, de tendresse débordante dans cette histoire où malgré son décès, le père n'est jamais oublié. Il vit toujours dans les souvenirs de ces proches, mais ces souvenirs reflètent-ils bien la vérité ?
Pour le protéger, le plus jeune fils se voit écarté par sa famille de tous les événements en rapport avec la mort de son père et ne garde finalement aucun réel souvenir de lui. Il ne comprend pas ce qui se passe, la folie, la peur, la mort qui ont envahi sa maison, la présence, l'éloignement puis le silence de ce père, disparu. Ses deux frères portent l'héritage, politique ou physique, de Louis mais lui ne trouve plus sa place, le lien qui le rattache à lui. Entre la honte d'être fils d'ouvrier, la colère d'avoir été abandonné par son père et le respect qu'il lui voue toujours, il finira par trouver sa propre identité.

Un premier roman touchant, remarquablement bien écrit qui nous rappelle à quel point le bonheur est fragile.




"Forcément, celui qui entend cela, un fils par exemple, se dit qu'il est passé à côté d'un grand homme, ou qu'il est arrivé trop tard. Que toute sa vie durant, il courra après, tentera vainement de me rejoindre, que mon exemplarité, sans cesse dressée devant lui, ne lui laissera guère le choix et lui imposera de se hisser jusqu'à moi, toujours mettre en balance ses actions et les miennes, ses désirs et les miens, en tout cas ceux que la scie des autres ressasse."
Après le silence

dimanche 12 février 2017

L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage

Haruki Murakami
10/18
EAN : 9782264066176

sorti le 3 septembre 2015
354 pages
langue française


Tsukuru Tazaki, architecte de gare âgé de trente-six ans, mène une vie plutôt solitaire. Il ressent comme un vide au fond de lui, un traumatisme dû au rejet brutal et sans explication de son groupe d'amis il y a maintenant plus de seize ans. Ce groupe, c'était toute sa vie, et cet événement l'a bouleversé, l'a transformé en profondeur. La blessure ne s'est jamais vraiment refermée...
Il rencontre alors Sara, un rayon de soleil dans son univers morne. Mais la jeune femme ressent un blocage psychologique, une distance que Tsukuru leur inflige inconsciemment, et le pousse à aller au bout de son histoire, de son passé. A enfin découvrir la vérité pour cicatriser cette plaie.

Mon avis : Tsukuru Tazaki, vide et sans couleur tel qu'il se décrit, est finalement comme chacun d'entre nous, ne serait-ce que pendant une courte période. Blessé, fragile, en quête de sa place dans le monde. Ce regard, très négatif, qu'il pose sur lui-même le rend d'autant plus attachant qu'on le comprend. On le suit alors avec intérêt dans sa quête de vérité, ses souvenirs, dans cette quête initiatique qui lui permettra de retrouver son identité et de maîtriser cette souffrance qui crée un mur entre lui et les autres. 
Il entame donc un voyage pour renouer avec son passé afin de pouvoir se construire un avenir. Murakami nous entraîne dans les méandres de l'amitié, dans la complexité des relations humaines. Chacun des personnages, chacun de leur ressentis, chacune de leur actions est profond, réfléchi, construit. Et extrêmement émouvant, à moins que ça ne soit moi qui suis trop sensible !
On trouve en fond Mal du pays de Liszt, qui donne son titre au livre, qui construit un parallèle entre le musicien et l'architecte, tous deux en quête d'identité : des années de pèlerinage pour clarifier son passé et le recomposer. Des échos mélancoliques. C'est d'ailleurs cette mélancolie, omniprésente, qui fait d'après moi le charme de ce livre. Le passé ne peut être re-vécu que dans nos souvenirs, et c'est cette souffrance qui donne toute sa force et sa beauté à ce roman. Empreint de douceur, d'onirisme, il est, encore une fois, écrit de main de maître, plus proche des anciennes œuvres de Murakami.

Une intrigue sensible, des maux et une musique qui serrent le cœur, mais un livre dont on ressort étrangement apaisé...




"Même si l'on peut dissimuler ses souvenirs, on ne peut pas changer l'histoire"
L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage

lundi 23 janvier 2017

On se passerait bien du temps

Franz Griers
auto-édition (Iggybook)
EAN : 9782363155146

sorti en janvier 2016
129 pages
langue française


Merci à Franz Griers et à Livraddict pour ce livre.

Résumé : Ce livre entre tes mains délicates est un recueil de trente-sept nouvelles courtes qui parlent de ce qui nous détruit et de ce qui nous exalte, avec de l'érotisme, de l'humour noir et de la mélancolie. Tout ce que tu aimes. Si j'étais toi, je le lirais.

Mon avis : J'ai toujours aimé les nouvelles, ce livre m'a donc beaucoup attiré. Dans son résumé, Franz Griers parle directement au lecteur, l'écriture est dynamique, il m'a vraiment donné envie de le lire. D'autant plus qu'avec son titre, je m'attendais à un peu de poésie...
Ce livre regroupe donc trente-sept nouvelles, d'une à quatre pages maximum. Il se lit vraiment très vite. Ces petites histoires se passent dans un univers réaliste, avec des lieux plutôt communs comme un immeuble, un aéroport ou bien un café. Ce sont des anecdotes qui tournent autour de la vie quotidienne, des sentiments ou de scènes que je décrirais comme des fantasmes : ces dernières sont peu probables même si elles ne sont pas décrites comme imaginaires. Je les ait trouvées incohérentes et elles m'ont fait décrocher du livre, même si je n'était pas déjà beaucoup entrée dans cet univers plutôt particulier.
Bon, pour le coup, la poésie était complètement absente. Par contre, le résumé a tenu ses promesses ; humour noir, érotisme, mélancolie, dynamisme, tout se mélangeait dans l'écriture. Elle est plutôt crue et Franz Griers apostrophe énormément le lecteur, de manière assez agressive d'ailleurs. Cela donne du rythme mais m'a personnellement mise très mal à l'aise ; il crée un lien avec le lecteur, le rendant complice de ses récits, je me sentais "voyeuse" sans en avoir envie. Pour le reste, son écriture change au fil du livre, les premières nouvelles sont écrites avec des mots compliqués et des tournures plus familières ce qui donne un résultat assez étrange. En général, c'est un style plutôt simple, qui semble à la portée de n'importe qui.
Les nouvelles ont chacune des sujets différents, mais le style reste le même de l'une à l'autre, deux d'entre elles avaient même une fin similaire. J'aurai aimé avoir un peu plus de changement, lire un récit puis de l'épistolaire par exemple. De même, si je dois convenir que l'érotisme comme l'humour noir étaient bien présents, j'aurai préféré qu'on ne les trouve pas dans chaque récits, ce qui aurait évité un peu de lourdeur et rendu le livre beaucoup plus intéressant à mon sens.

Un livre plutôt inégal, avec de bonnes idées mais pas assez travaillé à mon goût. Il se lit vite mais est loin de marquer les esprits.




"Les vrais amis se comptent sur les doigts d'une main dans la gueule."
On se passerait bien du temps

vendredi 16 décembre 2016

Babylone

Yasmina Reza
Editions Flammarion
EAN : 9782081375994

sorti le 31 août 2016
langue française
220 pages


Résumé : "Tout le monde riait. Les Manoscrivi riaient. C'est l'image d'eux qui est restée. Jean-Lino, en chemise parme, avec ses nouvelles lunettes jaunes semi-rondes, debout derrière le canapé, empourpré par le champagne ou par l'excitation d'être en société, toutes dents exposées. Lydie, assise en dessous, jupe déployée de part et d'autre, visage penché vers la gauche et riant aux éclats. Riant sans doute du dernier rire de sa vie.
Un rire que je scrute à l'infini. Un rire sans malice, sans coquetterie, que j'entends encore résonner avec son fond bêta, un rire que rien ne menace, qui ne devine rien, ne sait rien. Nous ne sommes pas prévenus de l'irrémédiable."


Mon avis : Ce roman est assez dur à résumer, il semble se passer sur un laps de temps très court, mais avec beaucoup d'éléments différents. On suit Elizabeth Jauze, une femme de 62 ans qui vit un événement marquant à la suite d'une soirée qu'elle organisait chez elle, événement que je tairai pour ne rien dévoiler mais qui arrive très vite dans le livre.
L'intrigue en elle-même est crédible, mais manque d'originalité. Ce qui contrebalance ce point faible est l'écriture de Yasmina Reza, simple et plutôt agréable à lire, et même si cela me gênait au début pour me plonger dans l'histoire, je me suis vite habituée à la succession de phrases courtes et de passages plus longs. Cependant la structure du livre rend tout de même la compréhension assez complexe. Il n'y a pas de chapitres, peu de dialogues et beaucoup de digressions avec les souvenirs de la narratrice, ce qui fait qu'on a du mal à se repérer dans le temps. Malgré tout, ces choix de structure et d'écriture sont intéressants, c'est ce qui donne son originalité au texte, car ces changements de style permettent d'installer un certain rythme tout au long du récit, ce qui évite que le lecteur s'ennuie, et les nombreuses digressions font durer le suspense et apportent beaucoup de références et d'explications sur le comportement des personnages.
Ceux-ci ne sont pas nombreux, et seulement trois d'entre eux sont réellement décrits : la narratrice, Elizabeth Jauze, et ses voisins Jean-Lino et Lydie Manoscrivi. Je n'ai pas trouvé ces personnages attachants, bien que je pense que les deux premiers ne manquent pas de profondeur, et leur solitude, cette impression de perdre pied qu'ils ressentent, m'a touchée, ainsi que l'affection débordante qu'ils ont l'un pour l'autre. Quand à la dernière, je l'ai trouvée un peu exagérée dans ses traits mais je pense que c'est voulu ainsi, comme un moyen pour aider le lecteur à s'attacher aux deux autres personnages et à rentrer pleinement dans le roman.

Ce livre se lit facilement, l'intrigue est cohérente et on est impatient de connaître le fin mot de l'histoire. C'est divertissant, mais loin d'être un coup de cœur.





"Ces élans d'optimisme [...] qui nous font multiplier les choses pour les rendre aussitôt vaines. Les choses et nos efforts. Le mur devant lequel il se tient est gigantesque."
Babylone

samedi 24 septembre 2016

Exercices de style

Raymond Queneau
Editions Gallimard

sorti en 1979
langue française
160 pages



Résumé : Le narrateur rencontre, dans un autobus, un jeune homme au long cou, coiffé d'un chapeau orné d'une tresse au lieu de ruban. Le jeune homme échange quelques mots assez vifs avec un autre voyageur, puis va s'asseoir à une place devenue libre. Un peu plus tard, le narrateur rencontre le même jeune homme en grande conversation avec un ami qui lui conseille de faire remonter le bouton supérieur de son pardessus. Cette brève histoire est racontée quatre-vingt-dix-neuf fois, de quatre-vingt-dix-neuf manières différentes.


Mon avis : Un autobus bondé, un homme au physique et à l'accoutrement ridicule, une dispute puis une réapparition dûe au hasard... en somme, une histoire pour le moins banale. Cependant, Raymond Queneau nous prouve avec ce petit bijou littéraire qu'un scénario ne suffit pas à faire un bon livre. Grâce à ces nombreuses variations, je me suis rendue compte à quel point le style employé dans un texte compte ; il donne du sens, une certaine atmosphère, il va influencer nos impressions...
Co-fondateur de l'Oulipo, association qui réfléchit à la notion de "contrainte" et encourage ainsi la créativité, on retrouve dans cet essai de Raymond Queneau cet aspect, qui le rend assez étrange par moment. Certaines figures de styles sont exagérées, absurdes, d'autres rendent le texte illisible, le tout est un petit ouvrage curieux, marrant, que j'ai beaucoup apprécié et dont je ne me suis pas lassée ne serait-ce qu'une seconde (et pourtant, c'est bien la chose à craindre avec un essai de ce genre !) : de nombreuses figures de styles jouant sur les mots, déchiffrer ces textes m'a beaucoup amusée !

En bref, un énorme travail littéraire, des découvertes à chaque page, un livre audacieux et qui permet au lecteur de se rendre compte de toute la richesse de la langue française.