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dimanche 12 février 2017

L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage

Haruki Murakami
10/18
EAN : 9782264066176

sorti le 3 septembre 2015
354 pages
langue française


Tsukuru Tazaki, architecte de gare âgé de trente-six ans, mène une vie plutôt solitaire. Il ressent comme un vide au fond de lui, un traumatisme dû au rejet brutal et sans explication de son groupe d'amis il y a maintenant plus de seize ans. Ce groupe, c'était toute sa vie, et cet événement l'a bouleversé, l'a transformé en profondeur. La blessure ne s'est jamais vraiment refermée...
Il rencontre alors Sara, un rayon de soleil dans son univers morne. Mais la jeune femme ressent un blocage psychologique, une distance que Tsukuru leur inflige inconsciemment, et le pousse à aller au bout de son histoire, de son passé. A enfin découvrir la vérité pour cicatriser cette plaie.

Mon avis : Tsukuru Tazaki, vide et sans couleur tel qu'il se décrit, est finalement comme chacun d'entre nous, ne serait-ce que pendant une courte période. Blessé, fragile, en quête de sa place dans le monde. Ce regard, très négatif, qu'il pose sur lui-même le rend d'autant plus attachant qu'on le comprend. On le suit alors avec intérêt dans sa quête de vérité, ses souvenirs, dans cette quête initiatique qui lui permettra de retrouver son identité et de maîtriser cette souffrance qui crée un mur entre lui et les autres. 
Il entame donc un voyage pour renouer avec son passé afin de pouvoir se construire un avenir. Murakami nous entraîne dans les méandres de l'amitié, dans la complexité des relations humaines. Chacun des personnages, chacun de leur ressentis, chacune de leur actions est profond, réfléchi, construit. Et extrêmement émouvant, à moins que ça ne soit moi qui suis trop sensible !
On trouve en fond Mal du pays de Liszt, qui donne son titre au livre, qui construit un parallèle entre le musicien et l'architecte, tous deux en quête d'identité : des années de pèlerinage pour clarifier son passé et le recomposer. Des échos mélancoliques. C'est d'ailleurs cette mélancolie, omniprésente, qui fait d'après moi le charme de ce livre. Le passé ne peut être re-vécu que dans nos souvenirs, et c'est cette souffrance qui donne toute sa force et sa beauté à ce roman. Empreint de douceur, d'onirisme, il est, encore une fois, écrit de main de maître, plus proche des anciennes œuvres de Murakami.

Une intrigue sensible, des maux et une musique qui serrent le cœur, mais un livre dont on ressort étrangement apaisé...




"Même si l'on peut dissimuler ses souvenirs, on ne peut pas changer l'histoire"
L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage

dimanche 18 décembre 2016

La tombe des lucioles

Akiyuki Nosaka
Editions Philippe Picquier
EAN : 9782809710564

sorti le 6 janvier 2015
langue française
144 pages


COUP DE CŒUR !

Résumé : Japon, été 1945. Après le bombardement de Kobe, Seita, un adolescent de quatorze ans et sa petite sœur de quatre, Setsuko, orphelins, vont s'installer chez leur tante à quelques dizaines de kilomètres de chez eux. Celle-ci leur fait comprendre qu'ils sont une gêne pour la famille et doivent mériter leur riz quotidien. Seita décide de partir avec sa petite sœur. Ils se réfugient dans une grotte en pleine campagne, mais bientôt la nourriture commence cruellement à manquer.

Mon avis : Ce livre m'a beaucoup surprise. D'abord, je ne savais pas qu'il y avait deux nouvelles (le fait qu'il y ait deux traducteurs aurait pourtant dû me mettre sur la voie...), et puis, je ne m'attendais pas du tout à une telle écriture ! Les phrases sont longues, certaines font la moitié d'une page, avec des digressions, des changements de narrateurs, et où le vulgaire côtoie le classique... Je l'ai trouvé plutôt dur à lire à cause de ça, mais j'en garde un très bon souvenir.
La nouvelle La tombe des lucioles, qui narre la vie de deux enfants pendant les bombardements américains, était très émouvante. Elle est à l'origine du film, aujourd'hui très connu, "Le tombeau des lucioles" mais le vocabulaire, très visuel, utilisé par Nosaka enlève le côté poétique du film, j'ai eu l'impression de lire une histoire totalement différente ! Le texte est très sombre, avec les lucioles pour seules lueurs, seul espoir, dans un Japon en guerre, très réaliste. Nosaka ayant perdu sa mère et sa sœur durant la guerre, connaître son passé me l'a rendue d'autant plus touchante que j'y voyait là une sorte de regret, une culpabilité d'avoir survécu sans les siens, dont il rend compte avec la mort de son alter-ego.
J'ai tout de même préféré la seconde nouvelle, Les Algues d'Amérique, car elle déborde de cynisme. La femme de Toshio, le personnage principal, invite chez eux un couple d'Américains qu'elle a rencontré pendant ses vacances à Hawaï et avec qui elle est restée en contact. Le lecteur va alors progresser dans un Japon schizophrène, perdu entre l'amour de sa patrie et l'admiration pour l'Occident, entre le passé et le présent. Cette nouvelle est provocante autant par sa vision des Etats-Unis que du Japon. Elle aussi prend son sens dans le contexte de la Seconde guerre mondiale, et est beaucoup moins axée sur les sentiments personnels, même si c'est par ce biais que Nosaka nous fait part de ce dilemme. On découvre plutôt une critique de la société japonaise qui se "vassalise" aux Etats-Unis, couplée de la rancœur de ceux ayant vécu la guerre et qui gardent une image de l'Américain arrogant et, surtout, ennemi. Malgré tout, on sent bien que l'objectif n'est pas de diaboliser les changements de mentalité et que Nosaka comprend même si il lui est difficile d'accepter.

Un même thème pour deux ressentis différents ; une lecture avec le cœur, et l'autre avec la tête.




"c'étaient des scintillements de lucioles juchées chacune au bout d'une feuille, il suffisait de tendre la main pour faire monter les petites lumières le long des doigts, "Regarde ! Essaie de la prendre !", il en fit tomber une sur la paume de Setsuko, mais elle ferma si fort son poing qu'elle l'écrasa"
La tombe des lucioles

dimanche 2 octobre 2016

Le Citron

Kajii Motojirô
Editions Philippe Picquier
EAN : 9782809709940

sorti le 7 mars 2014
langue française
125 pages


COUP DE CŒUR !

Résumé : "Pour tout dire, j'aime les citrons. J'aime leur couleur pure, comme celle de la peinture." Il y a une connivence immédiate entre Kajii et les choses. Regarder est pour lui "la seule manière vivante de vivre". Caresses, Sous les cerisiers, Le Citron... : l'écriture est d'abord sensorielle et la notation des sensations les plus fines, des moindres scintillements des objets animés et contemplés, nous convie à de nouvelles correspondances, à un rêverie dispensatrice d'émotion et de réconfort. Savon, crayons, bruit d'eau dans la forêt, grenouilles ou citron, les traces minuscules de la vie quotidienne révèlent leur beauté, leur monde secret à celui qui, les regardant de façon désintéressée, les nomme pour elles-même.

Mon avis : Pour bien comprendre ce recueil de nouvelles qu'est Le Citron, il est indispensable d'avoir quelques informations sur son auteur. Kajii Motojirô est né en 1901 et est atteint de tuberculose en 1917, la maladie, dont il mourra en 1932, va influencer sa vision du monde et de la vie. Ces aspects se retrouvent dans son recueil.
Composé de huit nouvelles, de longueurs inégales, l'originalité de ce petit livre réside dans cette vision de la vie à laquelle il nous invite. D'une écriture poétique, très axée sur les sens, Kajii nous emporte dans les corps de malades, se débattant entre des périodes lugubres d'ennui et de dépression et des instants de bonheur inattendus. Le livre ne contient pas vraiment d'action, il met en avant les sentiments, les sensations, grâce à des objets du quotidien et un style splendide, qui me rappelle par moment celui de Baudelaire. Le lecteur se retrouve dans une atmosphère de bulle, les sens exacerbés, à ressentir toutes ces émotions provoquées par la maladie, avec une intensité et une poésie que seul Kajii Motojirô pouvait nous offrir. Une histoire de partage et d'émotions.

En bref, un livre à vivre plutôt qu'à lire.




"Sous les cerisiers sont enterrés des cadavres ! Il faut s'en persuader. Sinon, n'est-il pas incroyable que les cerisiers fleurissent si splendidement ?"
Le Citron

dimanche 26 juin 2016

Dojoji et autres nouvelles

Yukio Mishima
Folio
EAN : 9782070422104

sorti le 2 janvier 2002
langue française
127 pages


Résumé : De l'univers des geishas aux rites sacrificiels des samouraïs, de la cérémonie du thé à la boutique d'un antiquaire, Mishima explore toutes les facettes d'un Japon mythique, entre légende et tradition. D'une nouvelle à l'autre, les situations tendrement ironiques côtoient les drames les plus tragiques : que ce soit la jolie danseuse qui remet du rouge à lèvres après avoir renoncé à se défigurer avec de l'acide en souvenir de son amant, Masako, désespérée, qui voit son rêve le plus cher lui échapper, ou l'épouse qui se saisit du poignard avec lequel son mari vient de se transpercer la gorge...
Quelques textes étonnants pour découvrir toute la diversité et l'originalité du grand écrivain japonais.

Mon avis : Yukio Mishima nous offre son point de vue sur le Japon de son époque. On retrouve dans ses nouvelles et sa pièce de théâtre, Dojoji, des valeurs japonaises traditionnelles, menacées dans ce Japon moderne (ces textes ont été publiés au Japon dans les années 1950-60). Mishima apporte à ses lecteurs l'étiquette et l'éthique de l'honneur comme les valeurs les plus importantes qu'il soit, cependant ses personnages, ainsi que leurs superstitions et leurs principes sévères, semblent appartenir à un passé révolu. La curiosité nous pousse à lire la suite, certains passages sont touchants, même marquants, cependant l'écriture de Mishima, pourtant subtile et poétique, amplifie la distanciation que l'on peut ressentir face à ce Japon, déjà radicalement différent de ce que nous connaissons en Occident.

En bref, des histoires étonnantes qui se lisent vite mais sans vraiment nous faire vibrer. Des textes qui nous font ressentir l'idéal de son auteur et découvrir un Japon pas si lointain mais dont le lecteur se sent exclu...




"Je m'étais rendu compte que même une abominable douleur - telle que je l'avais subie - jalousie, colère, inquiétude - ne suffisait pas à changer un visage humain."
Dojoji