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dimanche 18 décembre 2016

La tombe des lucioles

Akiyuki Nosaka
Editions Philippe Picquier
EAN : 9782809710564

sorti le 6 janvier 2015
langue française
144 pages


COUP DE CŒUR !

Résumé : Japon, été 1945. Après le bombardement de Kobe, Seita, un adolescent de quatorze ans et sa petite sœur de quatre, Setsuko, orphelins, vont s'installer chez leur tante à quelques dizaines de kilomètres de chez eux. Celle-ci leur fait comprendre qu'ils sont une gêne pour la famille et doivent mériter leur riz quotidien. Seita décide de partir avec sa petite sœur. Ils se réfugient dans une grotte en pleine campagne, mais bientôt la nourriture commence cruellement à manquer.

Mon avis : Ce livre m'a beaucoup surprise. D'abord, je ne savais pas qu'il y avait deux nouvelles (le fait qu'il y ait deux traducteurs aurait pourtant dû me mettre sur la voie...), et puis, je ne m'attendais pas du tout à une telle écriture ! Les phrases sont longues, certaines font la moitié d'une page, avec des digressions, des changements de narrateurs, et où le vulgaire côtoie le classique... Je l'ai trouvé plutôt dur à lire à cause de ça, mais j'en garde un très bon souvenir.
La nouvelle La tombe des lucioles, qui narre la vie de deux enfants pendant les bombardements américains, était très émouvante. Elle est à l'origine du film, aujourd'hui très connu, "Le tombeau des lucioles" mais le vocabulaire, très visuel, utilisé par Nosaka enlève le côté poétique du film, j'ai eu l'impression de lire une histoire totalement différente ! Le texte est très sombre, avec les lucioles pour seules lueurs, seul espoir, dans un Japon en guerre, très réaliste. Nosaka ayant perdu sa mère et sa sœur durant la guerre, connaître son passé me l'a rendue d'autant plus touchante que j'y voyait là une sorte de regret, une culpabilité d'avoir survécu sans les siens, dont il rend compte avec la mort de son alter-ego.
J'ai tout de même préféré la seconde nouvelle, Les Algues d'Amérique, car elle déborde de cynisme. La femme de Toshio, le personnage principal, invite chez eux un couple d'Américains qu'elle a rencontré pendant ses vacances à Hawaï et avec qui elle est restée en contact. Le lecteur va alors progresser dans un Japon schizophrène, perdu entre l'amour de sa patrie et l'admiration pour l'Occident, entre le passé et le présent. Cette nouvelle est provocante autant par sa vision des Etats-Unis que du Japon. Elle aussi prend son sens dans le contexte de la Seconde guerre mondiale, et est beaucoup moins axée sur les sentiments personnels, même si c'est par ce biais que Nosaka nous fait part de ce dilemme. On découvre plutôt une critique de la société japonaise qui se "vassalise" aux Etats-Unis, couplée de la rancœur de ceux ayant vécu la guerre et qui gardent une image de l'Américain arrogant et, surtout, ennemi. Malgré tout, on sent bien que l'objectif n'est pas de diaboliser les changements de mentalité et que Nosaka comprend même si il lui est difficile d'accepter.

Un même thème pour deux ressentis différents ; une lecture avec le cœur, et l'autre avec la tête.




"c'étaient des scintillements de lucioles juchées chacune au bout d'une feuille, il suffisait de tendre la main pour faire monter les petites lumières le long des doigts, "Regarde ! Essaie de la prendre !", il en fit tomber une sur la paume de Setsuko, mais elle ferma si fort son poing qu'elle l'écrasa"
La tombe des lucioles

dimanche 2 octobre 2016

Le Citron

Kajii Motojirô
Editions Philippe Picquier
EAN : 9782809709940

sorti le 7 mars 2014
langue française
125 pages


COUP DE CŒUR !

Résumé : "Pour tout dire, j'aime les citrons. J'aime leur couleur pure, comme celle de la peinture." Il y a une connivence immédiate entre Kajii et les choses. Regarder est pour lui "la seule manière vivante de vivre". Caresses, Sous les cerisiers, Le Citron... : l'écriture est d'abord sensorielle et la notation des sensations les plus fines, des moindres scintillements des objets animés et contemplés, nous convie à de nouvelles correspondances, à un rêverie dispensatrice d'émotion et de réconfort. Savon, crayons, bruit d'eau dans la forêt, grenouilles ou citron, les traces minuscules de la vie quotidienne révèlent leur beauté, leur monde secret à celui qui, les regardant de façon désintéressée, les nomme pour elles-même.

Mon avis : Pour bien comprendre ce recueil de nouvelles qu'est Le Citron, il est indispensable d'avoir quelques informations sur son auteur. Kajii Motojirô est né en 1901 et est atteint de tuberculose en 1917, la maladie, dont il mourra en 1932, va influencer sa vision du monde et de la vie. Ces aspects se retrouvent dans son recueil.
Composé de huit nouvelles, de longueurs inégales, l'originalité de ce petit livre réside dans cette vision de la vie à laquelle il nous invite. D'une écriture poétique, très axée sur les sens, Kajii nous emporte dans les corps de malades, se débattant entre des périodes lugubres d'ennui et de dépression et des instants de bonheur inattendus. Le livre ne contient pas vraiment d'action, il met en avant les sentiments, les sensations, grâce à des objets du quotidien et un style splendide, qui me rappelle par moment celui de Baudelaire. Le lecteur se retrouve dans une atmosphère de bulle, les sens exacerbés, à ressentir toutes ces émotions provoquées par la maladie, avec une intensité et une poésie que seul Kajii Motojirô pouvait nous offrir. Une histoire de partage et d'émotions.

En bref, un livre à vivre plutôt qu'à lire.




"Sous les cerisiers sont enterrés des cadavres ! Il faut s'en persuader. Sinon, n'est-il pas incroyable que les cerisiers fleurissent si splendidement ?"
Le Citron